CONTES ET LEGENDES AUTOUR DE NOS LACS DU FRASNOIS
ET DES CASCADES DU HERISSON
(Béatrice Faivre)
Le dernier loup de Chaux du Dombief
Jadis, on ne se déplaçait qu’au
rythme de son pas ou de celui de son cheval. On connaissait les matins blêmes,
les ombres fuyantes, les ornières, le soleil, la pluie…Les maisons se
pressaient autour des clochers qui signalaient les villages. Les croix, les
calvaires, les statues de Marie devaient protéger de bien des dangers. Jadis,
on craignait particulièrement le loup
Savez-vous que c’est à la Chaux du Dombief que fut tué le
dernier loup du Jura ? C’était durant l’hiver 1815. Après Waterloo, les
envahisseurs autrichiens et russes avaient tout pillé, tout dévoré. Même les
loups cherchaient leur nourriture et pour cela se rapprochaient dangereusement
des villages. Un soir, une femme Provin vidait un lapin on évier, le sang
s’écoulait dehors, de même que les entrailles. Ceci attira notre loup qui se
mit à lécher et manger ce qui sortait de l’écoulement de l’évier.
Quand tout
s’arrêta, il y passa la patte. Imaginez la tête de la paysanne ! L’effroi,
la curiosité certes, mais le sang-froid aussi. Elle prend une grosse fourchette
et la pique dans la patte. Le loup hurle de douleur mais il ne peut retirer sa
patte coincée. Pendant ce temps le mari prend son vieux fusil, sort et abat
l’animal. C’est ainsi que mourut le dernier des loups, au moins du Grandvaux.
Pauvre servante
La justice de jadis était
terrible surtout pour les petits, les sans-grades, pas pour le Seigneur de
l’Aigle. Celui-ci fit pendre une servante accusée de vol d’une cuillère en
argent. Ses explications et ses
supplications ne servirent à rien. En montant au gibet, elle prend le ciel à témoin et clame encore
son innocence. Et le ciel de se couvrir, le tonnerre d’éclater, les éclairs de
flamboyer et la pluie de tomber. La servante meurt. Plus Tard on retrouva la
cuillère sous une tuile du château : une pie l’y avait apportée. Maudite
la pie !
Aujourd’hui, une statue de la
vierge Marie a été installée à la place du gibet, à gauche de l’entrée de la
Chaux du Dombief.
La cloche d’or du Prieuré St Vincent sur l’île d’Ilay
Les moines du prieuré St Vincent
géraient un domaine agricole qui devait bien leur rapporter : ils avaient
pu construire une petite église avec une cloche en or. Cela se savait, aussi
durant la guerre de 30 ans, les Suédois, les Gris, vinrent assiéger l’île après
avoir détruit le château de l’Aigle. Pendant que les Gris construisaient des
radeaux, les moines jetèrent la cloche dans le lac, pour éviter le vol
sacrilège.
Eh
bien, depuis ce temps, les pêcheurs, que pêchent-ils en cassant la glace
sur le lac d’Ilay ? Du corégone, oui, certes, c’est vrai et c’est délicieux. Mais chacun ici pense qu’ils
espèrent toujours repêcher la cloche d’or.
LAC DE NARLAY
La légende de la cave à la Vieille
Narlay : un lac magnifique, très profond, tout entouré
de sombres forêts et de prés. D’un belvédère on le domine pour apercevoir au
loin le camping, Le Frasnois et Narlay, le hameau.
Jadis, quand ? Dieu seul le
sait. Jadis, il y avait une combe avec maisons et chapelle. Les paysans
cultivaient les terres à l’adret, les mieux exposées au soleil. Au-dessus, en
forêt, une vieille fée, une sorcière pour les méchantes langues, habitait la
Cave à la Vieille. Dans la première grotte, une cheminée naturelle permet de
faire du feu, donc de cuisiner. La deuxième grotte servait de cave et de
chambre.
Or, à Noël, la vieille fée n’avait plus de réserves de bois ni de
vivres, aussi elle décida de rejoindre sa filleule bien plus jeune au lac de Bonlieu .
Le ciel était lourd et menaçant, la neige déjà profonde, la marche était
pénible et le vent transperçait la vieille. Et en hiver, la nuit tombe vite.
Transie, la fée sorcière se met à frapper aux portes : personne ne répond.
Avec un tas de fumier au bas des portes pour les rendre hermétiques, les
égoïstes se calfeutrent, sans pitié pour la misérable femme. Elle remonte alors
vers l’autre côté de la combe et atteint la dernière maison un peu à l’écart.
Suivie du village englouti
Suivie du village englouti
Dernière chance ?
« Entrez vite » lui crie la veuve aux 3 enfants. « Allez
poussez-vous de devant la cheminée ! que la vieille puisse se
réchauffer ! » Oui, un souffle de solidarité réchauffe cette maison
hospitalière. Et on bavarde. «Où allez-vous ? pourquoi ?» « Où est le
père ?» «Ecrasé par un pendu, un arbre coupé mais coincé» La soupe chauffe
dans le chaudron de fonte. Quand il y en a pour 4, il y en a pour 5 !
On trempe
une grosse tranche de pain en plus. Et tout le monde dormira bien. Du moins
dans la maison de la veuve. Sur son lit de paille, la vieille se redresse
«Femme, tu as été bonne et généreuse pour moi, pas les autres : il faut
qu’ils expient !»
Des paroles bizarres, en latin, en grec, peut-être aussi
en araméen sont prononcées, les bras en croix. Et l’orage éclate avec une folle
fureur. Grêle, neige, pluie s’entremêlent. Le ciel se déverse sur la combe
maudite. Le lendemain matin, le ruisseau, à côté de la maison hospitalière gazouille
mais le regard qui le suit aboutit à une masse d’eau inconnue jusque- là.
Durant la nuit le village a été englouti. Enfermés les habitants sont morts
noyés. La générosité de la veuve lui avait sauvé la vie.
La légende dit mais tous les ans, à Noël, le coq du village
englouti chante les douze coups de minuit.
ENTRE
MYTHE et REALITE LE LAC DE NARLAY est particulièrement profond
D'origine
glaciaire. Les plongeurs qui s'y sont aventurés, n'ont jamais pu trouver trace
d'un village englouti… Ils n'ont pas
rencontré le coq de Noël, mais peut-être ont-il mal cherché...
Ainsi, au printemps suivant, la
vieille retourne chez elle, accompagnée de sa filleule. En passant devant la
maison hospitalière, personne. Les deux femmes contournent donc la maison,
comme on fait à la campagne pour savoir s’il y a quelqu’un. Elles trouvent la
veuve en pleine lessive. Laver le linge de trois garçons, quel travail ! Et je te brosse
et je te rince et je te tords et je t’essore !
Alors pour l’aider, la jeune fée donne un coup de sa baguette
magique dans l’eau du ruisseau.
La légende dit que la fée laissa aux eaux du lac de Narlay
le pouvoir de blanchir, sans aucune poudre, sans aucun savon, le linge le plus
souillé, alors que rien dans la
composition de l'eau du lac ne justifierait ces propriétés de «blanchiment».
Pourtant, autrefois on
employait bien les eaux du lac pour les lessives en n'utilisant ni savon, ni
détergent du commerce. Voici comment
on procédait : deux fois par an, au printemps et à l'automne avait lieu la
grande lessive. Chaque famille préparait un «lessu», mélange de cendres
tamisées et d'eau bouillante, réalisé dans un sac qui était ensuite déposé au
fond d'une grande bassine en bois, le cuveau.
On ajoutait le linge que l'on
arrosait et chauffait insensiblement jusqu'à ébullition. Cette opération
demandait un jour plein. Le lendemain matin, le linge était emporté dans des
sacs sur des voitures attelées jusqu'au lac pour y être battu et lavé. Une fois
rincé, il était étalé sur les roches ou les buissons. Une lessive durait
environ trois jours! On se servait ensuite du lessu pour mettre en propreté
placards, boiseries et meubles.
S’achève par un curieux phénomène
Le lac de Narlay possède une
particularité que les conteurs n'ont pas encore exploitée, mais qui pourrait un
jour être le point de départ d'une nouvelle histoire : certains printemps, ce
lac en forme de cœur passe progressivement du bleu au rouge. Cette couleur
étrange est appelée "le sang des bourguignons". Elle est due à la présence
d'une algue, Oscillatoria rubescens. Voilà
de quoi nourrir de nouvelles légendes !
LAC DE VERNOIS
Le village englouti
Sur la route de Chevrotaine, un
écrin de verdure encercle le lac du Vernois, petit lac parmi les plus beaux,
les plus sauvages du la Région des Lacs.
Jadis,
il y avait là quelques maisons avec une maigre source qui imposait aux habitants
de pénibles corvées d’eau au lac de Narlay. Un jour, ils coupèrent plusieurs
beaux sapins, les partagèrent en deux, les évidèrent et allèrent les vendre
comme abreuvoirs à Narlay, au Frasnois, à Ilay, au pont de la Chaux.
Devenus,
presque, riches, les gens du Vernois firent appel à un puisatier pour qu’il
leur trouve de l’eau. Avec sa baguette et son pendule, il eut vite fait de
découvrir une source profonde. A la tête qu’il fit on se demanda bien ce qui se
passait. « Oh rien ! Mais c’est dangereux ! » « T’es
un peureux, puisatier ! » « Nenni, nenni ! » «Alors
creuse !»
Et le puisatier de creuser et on commença à entendre des bruits
étranges, comme un roulement de cascade souterraine. Comme une grosse roche
gênait le creusement, le puisatier refusa de continuer. « Payez-moi d’abord et
apportez-moi un cheval scellé au bord du puits !»
Ce fut fait et on passa
des chaînes sous le rocher pour le tirer avec deux paires de bœufs.
Un dernier
coup d’aiguillon, un grand coup de reins des quatre bêtes : le rocher décolla
et un immense geyser s’éleva dans la combe de Vernois. Le puisatier prudent et
avisé sauta sur son cheval et s’enfuit : on ne le revit jamais plus. Et
les habitants de Vernois non plus ! En effet le puisatier avait déclenché
une énorme vague d’eau qui inonda le hameau et noya ses habitants. Depuis ce
temps, un lac remplit la petite combe.
Promeneurs et pêcheurs en
profitent aujourd’hui, alors qu’il y a 100 ans encore des bûcherons italiens
s’installaient dans une cabane et se disputaient quelquefois avec les
charbonniers qui remontaient de Chevrotaine.
LES VOUIVRES DES LACS
Dans le temps, on prétendait qu’un fabuleux personnage se baignait derrière le rideau des brumes du matin ou du soir. Il s’agissait de plusieurs vouivres qui toutes se rassemblaient avec une queue de poisson, un magnifique corps de femme, des ailes, et une escarboucle, bijou de rubis attaché au front. Un peu les symboles des 4 éléments : eau, terre, air, feu.La Vouivre d’Ilay
Chaque soir, on apercevait la
vouivre, ce serpent de flamme, qui du haut du château de l'Aigle, venait se
désaltérer dans le petit lac dont la nappe d'azur baignait le pied. Les
voyageurs attardés ne passaient qu'en tremblant devant ces agaçantes
demoiselles, qui folâtraient la nuit sur les bords des lacs et des ruisseaux,
et les attiraient malgré eux dans des rondes infernales.
LÉGENDES DU
HÉRISSON
Les Lions du Saut Girard
Dans la vallée du Hérisson, on
parle encore du lion qu’Aimé Grappe
avait sculpté, il y a un siècle, à la prise d’eau de la clouterie du Saut
Girard. On l’emballait dans la paille en hiver pour que le gel ne le détruise
pas. On raconte que ce lion a été volé le même jour qu’on volait sa réplique
sur la tombe de Grappe à Dôle. Légende ? Non les lions ont bien disparu.
L’ondine du Saut Girard
Xavier de Montépin, dans son
fameux roman «Le Médecin des Pauvres » et d’autres racontent que le Seigneur
de l’Aigle, Antide de Montaigu, aimait
beaucoup les jeunes filles. Un jour il en coinça une au pont du Saut Girard. La
malheureuse tombe et fut entraînée par le courant. Au bas de la cascade, une
vouivre se baignait : elle recueillit la pauvre enfant et la transforma en
ondine. Elle vit toujours mais comme il y a trop de touristes aux cascades du
Hérisson elle se cache dans les prés et les bosquets du marais Morel juste au-dessus
du Saut Girard.
On l’aperçoit parfois le matin quand la brume se lève, dans les
prés dominés par le Pic de l’Aigle. Si vous faites du bruit, l’ondine peut se
cacher dans les 3 gouffres marqués sur la carte du 25 000e ou encore
dans le tunnel qui passe sous la Chaux du Dombief.
L’ours sorcière du Moulin Jeunet
Le bruit des forges, des
martinets et des moulins dans la vallée du Hérisson ayant toujours fait fuir les fées et autres nains de
la vallée du Hérisson, pas d’histoire de fées mais celle d’une sorcière.
Les gens du Frasnois cultivaient
jadis du blé, de l’avoine, du seigle qu’ils apportaient à moudre au Moulin
Jeunet, comme on dit depuis 100 ans.
Or, il fut un temps où à la pleine lune un
ours rodait par-là. Il effrayait tant les gardes du moulin que le meunier se
désespérait d’en garder un pour de bon. Il avait fini par embaucher un gars de
Saint Pierre en Grandvaux, solide et malin qui avait d’abord encaissé 3 mois de salaire avant de commencer sa
surveillance nocturne. Bien sûr, une nuit de pleine lune vit arriver l’ours. Le
garde s’était installé pour dormir sur des sacs de farine quand il fut réveillé
par le grincement de la porte et les 12 coups de minuit du clocher de Bonlieu.
L’ours inspectait les sacs, les meules, les engrenages… pour arriver au garde.
L’ours tend la patte vers lui qui d’un seul coup, lui tranche la patte, d’un coup de
serpe.
L’ours s’enfuit en courant, en hurlant. Le lendemain matin au petit
déjeuner tout le monde se pressait à table sauf la belle-mère du meunier. On la
trouve dans son lit, un énorme bandeau autour du bras droit. Le garde moulin
comprend tout de suite et va chercher le bras coupé durant la nuit.
C’était
celui de la sorcière qui les nuits de pleine lune se transformait en ours.
Vers
1993, une équipe d’archéologues est venue faire des fouilles au Moulin
Jeunet ; certains disent qu’ils
cherchaient la peau de l’ours de la légende !
Légende de la grotte Lacuzon
Lacuzon
reste pour les Jurassiens un
personnage de l'histoire de
l’indépendance de la Franche-Comté au
XVIIe siècle. Issu de Longchaumois dans
le Haut-Jura, son nom est Claude Prost, dit La Cuson signifiant Le Souci en Comtois. Sa célèbre devise « comtois, rends-toi, nenni, ma
foi » est connue de tous les Comtois.
Dès l'intrusion des Schweds en 1636, il s'entoure d'une troupe de patriotes armés et combat les armées Suédoises qui mettent à sac la région des
Lacs.
R . Fonville, dans son livre Lacuzon, situe son action dans le Bas Jura : dès 1639, au
Château de Crillat ,d’où il lança de nombreuses attaques, puis au Château de Montaigu, village au-dessus
de Lons le Saunier, dont il devint capitaine en 1641 et en 1643, au Château de
St Laurent la Roche pris d’assaut, dont il vient d’être nommé gouverneur .
Dans un passage de son roman. le
Médecin des Pauvres, Xavier de Montépin
décrit le héros franc-comtois se
cachant avec ses partisans dans cette grotte du Hérisson, appelée successivement le Trou dans le premier rocher , le Grand-Cellier, le trou des
Gangônes. Ainsi naît la légende de la grotte Lacuzon, d’autant que la
caverne décrite peut « recevoir plus de 300 hommes, servir de dépôts aux armes, munitions et aux vivres
alimentaires », soit 5 fois de plus que sa taille réelle et que le conflit opposant le héros au vil seigneur du Pic de l’Aigle, Antide de
Montaigu relève du roman.
Une certitude demeure à ce
jour : dès 1639, la grotte servit
de refuge aux chartreux de Bon-Lieu possessionnés à
Montaigu -avec qui la Cuson entretenait
des relations suivies- et à leurs
sujets qui, outre la guerre, se font rançonner par la baronne du Château du Pic
de l’Aigle.
LES CHEVALIERS VOLANTS DE
CHAUX DES CROTENAY ET DE BONLIEU
Le Chevalier Volant de la Chasse Maudite
Jadis, vivait dans le château
fort de Chaux des Crotenay , un seigneur grand amateur de chasse et très
égoïste. C’est lui le chevalier volant de la chasse maudite qui mène grand
tapage la nuit et effraye les voyageurs et autres randonneurs qu’il surprend et
égare dans l’obscurité. Tous les braconniers connaissent son histoire.
Le jour de Pâques, le seigneur allait partir à la
messe lorsqu’un homme tout de rouge vêtu sur un splendide cheval noir, le
hèle : « alors pas de chasse aujourd’hui ? J’ai pourtant vu un
cerf magnifique ! » Malgré les protestations de sa femme, le seigneur
pique son cheval et suit l’inconnu. Ils courent, sautent, se dépensent à
presque crever leurs chevaux avec les chiens de la meute qui avaient vite fait
de lever le fameux cerf. Passant dans un champ de blé de la Grand Plaine, la
chasse piétine et saccage tout sans piété, puis elle disperse un troupeau de
chèvres à la Combe Pécaud au Frasnois.
Le cerf conduit l’équipée sauvage vers
l’ermite de la Fruitière entre le Frasnois et Menétrux. Le cerf se couche aux
pieds de l’ermite semblant lui demander sa protection. Le seigneur, son
compagnon, leurs chiens n’en ont cure : le cerf est tué. L’ermite maudit
la chasse dans un grand rugissement de colère. Le sacrilège était attendu par
l’inconnu, compagnon du seigneur : il ricane sinistrement, souffle des
vapeurs enflammées et sulfureuses, lève son arme : un trident de
démon ! Le seigneur comprend enfin et s’enfuit.
Depuis ce temps, il ne
cesse de fuir avec sa meute, poursuivi par le démon.
Passant, si par malheur, tu te
fais interpeller par ton nom, surtout ne réponds pas, sinon tu erreras dans la
forêt et les communaux toute la nuit. Et gare alors aux gouilles et autres
marais ! Ce qu’il faut faire ?
C’est étendre par terre un mouchoir
blanc, de lin ou de chanvre, et se placer dessus : alors on ne risque
rien.
C’est pour cela qu’aujourd’hui encore tous les braconniers du coin ont un
mouchoir propre sur eux. Ils vous racontent que, les nuits de pleine lune, la
chasse maudite est particulièrement superbe lorsqu’elle s’élance depuis la
Ronde au-dessus du lac de Bonlieu. Un vent de tempête souffle les nuages de
l’orage dans le bruit du tonnerre et le feu des éclairs.
Ceci a beaucoup plus de panache
que la paire de bœufs du père Prost lancée dans le brouillard sur le chemin de
la Ronde et se précipitant dans le lac au pied des rochers du belvédère. Jules
Prost avait voulu rentrer du bois un dimanche après- midi au lieu d’aller aux
vêpres et le maudit brouillard l’avait surpris. Sachez bien, bonnes gens, le
dimanche est le jour du Bon Dieu !
Le sylphe cavalier de Narlay
Il est décrit comme un roi qui tient un sabre levé,
monté sur un cheval blanc, ailé, et superbement harnaché.
Il parcourt ainsi les
cieux, caracolant dans « les monts hérissés de noirs
sapins » près des lacs du haut-Jura comme
ceux de Bonlieu et de
Narlay. Il s'agirait d'un esprit aérien, dont les montagnards des parages
disent que c'est l'âme en peine d'un ancien seigneur de l'Aigle.
Quelques observateurs rapportent
avoir vu le cavalier de Bonlieu botté, armé et casqué, chevauchant dans les
airs sur son blanc palefroi pour s'abattre dans la plaine sans la toucher et
repartir aussi promptement que l'éclair. D'autres ont aperçu son cheval seul,
attaché par la bride à la roche escarpée de Magney comme à un râtelier.
Il était en dehors de la roche, en l'air, le crin hérissé, la queue tendue,
attendant avec impatience que son maître vienne l'enjamber, afin de recommencer
au plus tôt ses courses à travers le ciel. Il se reposait parfois dans la forêt
de La Chaux-du-Dombief.